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    Etre né quelque part

    Pour de nombreux parents, le mois de juin s’habille de stress. C’est l’heure du bac, le moment H, le point culminant de la scolarité de son cher petit, de sa chère petite. On s’inquiète, on espère, on redouble d’attention, on revit dans l’attente son propre examen, son propre passage, un peu trop ému pour un rituel un peu trop désuet. On communique nos martingales d’un autre âge, on glisse un mot reçu d’un haussement d’épaules. On sait que bientôt l’adolescence ne sera qu’un écho, l’âge adulte se pointe alors on se fait plus pressant. Le moment est à l’émotion, derniers instants partagés avant l’envol.

     

    Charmant tableau d’une vie parentale comblée, ce portrait idyllique d’une famille accomplie souffre d’un soupçon de privilège. Combien de jeunes ont vu la porte de l’examen devenir inaccessible, non pas qu’ils étaient été en difficulté scolaire ou aient connu un accident de parcours, une embûche les conduisant tout droit sur la voie du décrochage. Non, ils ont eu simplement le tort d’être né là où il ne fallait pas, d’être venus ici sans les papiers adéquats.

     

    La plupart ne le savaient même pas, poursuivant leur scolarité en enfant ordinaire, dans une famille à l’accent exotique, avec un nom venu d’ailleurs. Sans doute se sont-ils appliqués pour être un élève comme les autres. Leurs parents les ont sûrement encouragés à trouver à l’école le passeport infaillible pour rejoindre les rangs de la nation. Ils ont peut-être réussi mais cela n’a pas suffi.

     

    Un jour, combien sont ils, ces enfants nés quelque part qui ont plié bagages, ont quitté les rangs de la classe. Soustraits à la scolarité de force, sous le regard incrédule de leurs amis, de leurs voisins de cours. L’épouvantail de l’immigration clandestine n’est d’aucun recours devant l’injustice flagrante d’une scolarité brusquement inachevée. L’élève est une personne et son lieu de naissance n’y peut mais. Cachés ou expulsés, que sont-ils devenus ?

     

    Seule consolation devant l’absurde, le souvenir des parents de l’école, des élèves, des enseignants qui se sont mobilisés pour leur donner à nouveau accès à la scolarité demeure. Par cet élan collectif, certains ont pu revenir. L’absence de ceux qui demeurent éloignés de leur enfance est flagrante dans ce joli mois de juin où nous croisons les doigts pour la réussite de nos proches ados.

     

    Monique Royer


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