• En France en 2011

     

    « Les gouvernements, par définition, n’ont pas de conscience » (Albert CAMUS,

    Témoins n°5, printemps 1954) … et certains moins que d’autres encore.

     

    Marine et Chamal AVDALIAN, un couple sans histoire, vivaient en Arménie. Du fait de leur appartenance à une minorité religieuse, les Yézides, ils ont été persécutés et ont dû fuir leur pays en 2003 et sont venus se réfugier en Europe ; en Suède d’abord où ils ont eu leur 1er enfant, Jamal en 2004, puis en Allemagne où leurs deux autres enfants, Khanumzar (6 ans et demi) et Uso (5 ans) sont nés.

    En 2007, ils ont été renvoyés dans leur pays d’origine, l’Arménie, où ils ont vécu cachés jusqu’en juin 2009, date à laquelle Chamal et Marine AVDALIAN sont arrivés sur le territoire français avec l’espoir de pouvoir vivre enfin en paix, sans se cacher, sans avoir peur. La France, pays des droits de l’Homme avec un grand H, de tous les hommes donc. Pays dont la devise fait rêver d’une vie meilleure : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. 

    Je voudrais y croire encore… En tout cas, eux y croient!

    Depuis cette date, la famille AVDALIAN met tout en œuvre pour comprendre le fonctionnement de la France, sa culture, et ses lois qu’elle respecte d’ailleurs scrupuleusement.

    Marine, Chamal et leurs 3 enfants habitent actuellement Verdun, en Meuse où ils sont très appréciés.  

    Ils vivent comme vous et moi. Les parents parlent français, s’occupent de la santé de leurs enfants, les emmènent à l’école chaque jour depuis 2 ans, participent aux réunions, accompagnent les voyages scolaires. Les 2 ainés, eux aussi s’expriment couramment en français avec leurs amis. Chamal AVDALIAN a été élu depuis juin 2010 représentant du conseil de vie sociale du CADA et assume son rôle avec beaucoup de sérieux. Il a aussi effectué bénévolement pour le CADA des traductions en 6 langues. La famille a instauré de bonnes relations avec l’ensemble de ses voisins et s’est fait des amis. De plus Chamal a obtenu une promesse d’embauche en CDI (maçonnerie).

    Tout dans la vie de cette famille témoigne de son intégration. Si  Marine et Chamal AVDALIAN  vivent en  apparence « normalement »,  ils ont pourtant une épée de Damoclès en permanence au dessus de la tête.

    Et oui, ce sont des demandeurs d’asile ! Et ils ont vécu le parcours tragiquement banal des demandeurs d’asile aujourd’hui en France : 1ère demande rejetée en décembre 2009, appel rejeté aussi assorti d’une Obligation de Quitter le territoire Français : l’épée est tombée le 15 octobre 2011 avec brutalité et dans la douleur !

    « A 6h45 la police a toqué à la porte de notre logement (8 personnes avec une traductrice russe). Mon épouse et moi avons compris tout de suite ce qui allait se dérouler. Ma femme s’est mise à pleurer en criant de ne pas toucher  aux enfants. Ils m’ont dit que j’avais 15 min pour rassembler mes affaires et qu’ils allaient nous ramener dans un centre de rétention. J’ai demandé pourquoi ils nous faisaient ça. Ils ont répondu qu’ils faisaient leur travail et que c’était les ordres. » Chamal Avdalian 

    Ils faisaient leur travail… Et oui, il y a toujours des exécutants au bout de la chaîne. Il faut bien des fonctionnaires de l’Etat pour faire le « sale boulot », des personnes à qui l’on demande d’appliquer des mesures qui broient des vies.

    « J’ai parlé des problèmes de santé de mon fils Uso, de tous les gestes à faire lors de son réveil et du traitement médical très important pour lui. J’ai signalé qu’il pouvait arriver un incident à mon fils sur la route jusqu’à Paris et j’ai demandé qui en porterait la responsabilité, je voulais un nom. Ils se sont retranchés derrière les ordres reçus. » Chamal Avdalian 

    Les ordres, toujours les ordres ! Mais qui donc ordonne sans connaître les personnes qui subissent l’arrestation? Si les décideurs de cette expulsion connaissaient cette famille, ils auraient su qu’un de leurs enfants était malade, ils auraient prévu (on peut l’espérer) des dispositions particulières. La dépersonnalisation facilite évidemment la prise de décision… Chamal, Marine AVDALIAN et leurs 3 enfants (dont le plus jeune est malade) ne sont plus alors des Hommes mais un dossier à traiter ! C’est consternant !

    « J’explique alors que je suis en France depuis 26 mois et que je connais les lois, ils m’ont répondu qu’une fois au centre de rétention j’aurais le temps de faire le nécessaire avec un avocat. J’ai répondu, Monsieur, on est samedi et je ne pourrai contacter personne, vous avez pris nos portables. » Chamal Avdalian 

    Voilà une affaire rondement menée ! Arrêter toute une famille un samedi et confisquer leurs téléphones… C’est vrai que c’est finement pensé, on ne peut guère trouver mieux comme procédé pour empêcher cette famille de réagir et de se défendre. Ecœurant !

    « Ils avaient des sacs poubelle et ont commencé à vider les armoires et à remplir les sacs, à vider tous les meubles et à rassembler nos papiers. Ils sont allés dans les chambres et ont habillés les enfants alors que je venais de leur dire comment il fallait faire avec Uso selon les consignes du médecin. Mais ils ne m’écoutaient pas. J’entendais mes enfants pleurer. J’essayais d’expliquer ma situation aux autres policiers, pourquoi j’étais ici en France. […]Je suis allé dans la chambre de mon fils entre des policiers qui m’entouraient. J’ai vu que l’armoire était vidée et à côté il y avait un sac poubelle plein. J’ai alors dit que nous n’étions pas des chiens et que les affaires de mes enfants n’étaient pas des détritus. J’ai cherché mes enfants et ils n’étaient plus là. J’ai paniqué et la police m’a dit de ne pas m’inquiéter, ils étaient dans la voiture. J’ai compris qu’ils avaient fait exprès d’éloigner mes enfants.  Je ne voulais pas les laisser seuls. Donc nous sommes descendus. » Chamal Avdalian 

    Voilà comment en 15 min, sur commande, la vie de 5 personnes ciblées se retrouve dans des sacs poubelles! Leurs vies ont-elles si peu de valeur qu’elles ne méritent pas mieux ? Mais pas le temps pour la dentelle, il fallait faire vite, ne pas rater l’avion. Quel avion me direz-vous ? C’est vrai, il n’a pas été question d’avion jusqu’ici, mais de centre de rétention. Pourtant c’est bien à l’aéroport de Roissy que la famille AVDALIAN allait être conduite. Mentir à Marine et Chamal et utiliser leurs enfants pour les faire monter dans la voiture, voilà où on est aujourd’hui, dans ce pays !

    « Les policiers se sont arrêtés sur un parking en face de l’aéroport, des gens rentraient et sortaient, il y avait des taxis. J’ai réalisé qu’ils n’avaient pas l’intention de nous emmener en centre de rétention mais bien de nous renvoyer en Arménie. Je l’ai dit à ma femme, elle a pleuré et j’étais choqué. » Chamal Avdalian 

    La famille a été conduite dans un commissariat proche de l’aéroport où un policier est venu informer Chamal qu’ils allaient être conduits à l’aéroport.

    « J’ai demandé à voir un avocat ; des organisations susceptibles de m’aider. J’ai expliqué ma situation […]. Ils m’ont dit que toute la procédure était terminée et je n’avais pas de chance, pas d’avocat et personne pour nous aider. J’ai regardé un policier de Verdun en pleurant et je lui ai fait comprendre qu’il m’avait menti en me parlant du centre de rétention. Il m’a regardé le visage un peu gêné et a tourné la tête. » Chamal Avdalian 

    Ce policier avait de quoi être mal à l’aise, se sentir coupable même. Les actes que l’on ordonne  aux policiers sont abjects et méprisables.

    « Après, j’ai parlé de la France, des lois, de la démocratie et du pays des droits de l’Homme. »

    Chamal AVDALIAN a choisi la FRANCE pour ses valeurs, parce qu’il pensait qu’il y serait respecté, parce qu’il pensait que lui et sa famille pourraient y vivre libres et égaux.

    Chamal, son épouse et leurs 3 enfants ont été conduits au pied de l’avion dans lequel ils devaient embarquer pour le pays qu’ils ont fui. Connaissant ses droits,  Chamal AVDALIAN a refusé avec courage de sortir du véhicule. Le policier l’a informé qu’ils iraient en prison. Pour leur sécurité et celle de leurs enfants, Marine et Chamal ont couru le risque, préférant la prison française plutôt que l’Arménie.

    Ils ont finalement été relâchés après avoir été interrogés et sont rentrés à Verdun par leurs propres moyens (taxi et train).

    Ce que la famille AVDALIAN a subi ce 15 octobre 2011 est inacceptable.

    Monsieur le Président de la République, jeudi dernier, sur TF1 et France 2, disait à propos de la France : « Il n’y a pas un pays d’Europe ou du monde qui est aussi généreux avec les étrangers ».

    Je ne demande qu’à croire M. Sarkozy.

    Mais, faire vivre une famille irréprochable dans la peur, faire subir à des enfants un traumatisme (l’arrestation dont les conséquences sont lourdes : cauchemars, peur panique de la police, difficulté de séparation entre parents et enfants) qu’ils ne sont pas prêts d’oublier n’est pas de la générosité. C’est la preuve de la déshumanisation totale du traitement infligé aux sans-papiers.

    Accueillir des familles demandeuses d’asile pour les jeter ensuite n’est pas de la générosité.

    En offrant à la famille AVDALIAN la possibilité de s’enraciner à notre pays, d’adopter notre culture, nos codes, nos lois, la France leur a donné le faux espoir d’une vie meilleure pour eux !

    Là où le Président de la République voit de la générosité, je vois de la cruauté.

    « Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés[…] » Stéphane Hessel

    L’histoire de Chamal, Marine, Jamal, Khanumzar et Uso peut encore bien se finir.

    Ne perdons pas l’une des composantes essentielles qui fait l’être humain : la faculté d’indignation et l’engagement qui en découle.

    L’indifférence serait la pire des attitudes !

    Pour la régularisation de cette  famille, engageons-nous !

    Signons la pétition : http://resf.info/P2028 

     


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